Le chapitre XL du Précis du Siècle de Louis XV, intitulé « De la Corse », est une source majeure pour l’historien d’aujourd’hui qui recherche une vision de la Corse tel qu’un contemporain français penseur et lettré, fréquentant la Cour de France au siècle des Lumières, la voyait. Dans ce chapitre, Voltaire expose un constat des savoirs sur l’histoire de la Corse de son temps au lendemain de la récupération de l’île par la France, de la Rome antique à l’annexion de la Corse sous Louis XV, en passant par Sampieru Corsu, Théodore de Neuhoff et Pasquale Paoli. Il propose de montrer comment la Corse, île méditerranéenne de tout temps convoitée, habitée par un peuple qui donne sa vie à se battre pour son indépendance, devient en 1769 une province du Royaume de France.
Ce qui fait l’intérêt de ce chapitre XL, source principale de ce mémoire dans son édition commentée par Beuchot de 1831, c’est l’attachement de Voltaire à l’histoire de la Corse dans tout son spectre temporel. Le penseur écrit avec la volonté de préciser les évènements contemporains de son temps, tout en exaltant le siècle de Louis XV. Il relate l’histoire d’un peuple soumis à la conquête, mais qui n’a jamais voulu se soumettre à l’envahisseur. Ce nouveau territoire annexé en 1769 par le Roi Très Chrétien, s’est fait au prix de Ponte-Novu, une guerre qui a détruit l’indépendance d’un peuple, et en a fait le nouvel atout stratégique français en Méditerranée, et d’un enfer diplomatique dirigé par le Ministre Choiseul et son traité de Versailles le 15 mai 1768. Ce texte a bien souvent été étudié comme une simple vision française, en comparaison de la vaste historiographie corse, déjà assez riche et diversifiée lors de l’avènement de Pasquale Paoli. Cette étude a pour but d’expliciter la Vision de Voltaire, et de faire comprendre l’ambiguïté d’un philosophe qui écrit l’histoire.
Pour aborder autrement ce chapitre XL, et l’approfondir, il faut suivre le raisonnement de Voltaire, la construction d’un philosophe qui croit en la Raison. Mais aussi un lettré qui acquiert la charge d’historiographe du Roi en 1746, et qui est aussi le protégé du Duc de Choiseul. Ce dernier est le principal instigateur de la politique d’annexion de la Corse, et Voltaire lui rend hommage en expliquant, en détaillant la conquête de la Corse par la France.
Ainsi, la première partie de ce mémoire est consacrée à la Corse en tant qu’île sujette de tout temps. Voltaire y fait un historique des colonisations sur l’île, qui commence à l’Antiquité et passe par le Moyen-Âge. Ensuite il s’attache aux rivalités italiennes et leur domination sur la Corse, premières propriétaires de l’île à qui la France devra l’arracher.
Puis la seconde partie porte sur le questionnement de Voltaire à propos de la Nation corse. Le philosophe a une admiration pour ce qui se met en place, l’émergence de la nation des Corses, leur recherche d’indépendance ; et à la fois, il ne peut s’empêcher de critiquer ces tentatives, car pour lui, la Corse n’a pas de meilleur destin que d’être sujette de Louis XV.
La troisième partie s’intéresse à l’Etat corse, et plus précisément au héros national : Pasquale Paoli. Est-il un héros corse des Lumières ? En tout cas, Voltaire estime ce « père de la nation » et son œuvre dont se rapproche l’idée du despote éclairé qui plait tant au philosophe.
Enfin, lorsque Voltaire écrit cette histoire de Corse, l’île vient d’être annexée par la France. Pour celui qui reprend l’idée de Choiseul, la Corse était vouée à devenir française: ce sera l’objet de la dernière partie de ce mémoire, celle où l’on s’interroge sur un Etat insulaire qui ne doit pas être indépendant et qui finalement devient province française.